Polémia:
Y a-t-il un modèle hongrois de résistance à l’ordre mondial ? Le point de vue de l’essayiste espagnol Javier Portella.
♦ « Non, la démocratie n’est pas du tout menacée en Hongrie. Aussi bien les libertés publiques que les règles du jeu démocratique sont parfaitement respectées par cette véritable « révolution conservatrice » (…) dirigée par le Fidesz de Viktor Orbán. »
Face à la perte de toutes sortes de racines : culturelles, historiques, spirituelles, face à l’évanouissement de l’identité de nos peuples plongés dans la vulgarité de l’homme-masse – cet être à la fois individualiste et grégaire pour qui seules les questions immédiates comptent et seules les choses plaisantes importent –, la nation hongroise est en train de suivre un chemin profondément différent qui, depuis 2010, l’a conduite à s’écarter résolument de la voie libérale. Dans tous les domaines. Non seulement dans la sphère économique : dans les domaines culturel, spirituel, politique aussi.
Si le peuple magyar s’écarte du libéralisme, serait-ce pour renier la démocratie et tomber dans les griffes d’une dictature d’extrême droite, « fasciste » même, comme les oligarques de la Nouvelle Classe, burocrates de Bruxelles en tête, ont accusé les dirigeants hongrois ? C’est même d’un « nouveau Mussolini » que la presse anglo-saxonne a parlé à propos du premier ministre Viktor Orbán (1).
Non, la démocratie n’est pas du tout menacée en Hongrie. Aussi bien les libertés publiques que les règles du jeu démocratique sont parfaitement respectées par cette véritable « révolution conservatrice » (faisons un clin d’œil à la Konservative Revolution allemande des années 1920) dirigée par le Fidesz de Viktor Orbán, le parti qui, après avoir remporté avec une majorité absolue les élections de 2010 (52,73% des voix et deux tiers des sièges), a réussi à faire sortir la Hongrie de la débâcle où des années d’incurie socialiste l’avaient plongée. Dans la mesure où, loin de limiter les libertés publiques, c’est le pouvoir de la banque qui a été restreint, et, donc, sa capacité d’influencer les grands groupes médiatiques (nationalisation du Magyar Kereskedelmi Bank, MKB, avec achat de 99% de ses parts à la banque allemande Bayerische Landesbank), les règles de la pluralité démocratique se trouvent bien mieux respectées que sous la dictature de la pensée unique que la Nouvelle Classe financière et médiatique impose partout.
Une Nouvelle Classe qui doit bien trembler en entendant des proclamations comme celles que fait le gouvernement de Viktor Orbán :
Aucun fiasco, bien au contraire. Les résultats économiques – compte tenu surtout de la déconfiture d’où vient le pays – sont excellents. La Hongrie a pu sortir de la situation de faillite où elle se trouvait en 2010, lorsque le pays était intervenu par le FMI et par la Commission européenne, le produit intérieur brut se trouvait en chute libre (-6,8% en 2009), la dette publique galopait jusqu’à 82% du PIB, et la Banque centrale annonçait une banqueroute imminente. Qui plus est, en rompant avec des politiques jusque-là soumises aux diktats du capitalisme international – une dépendance qui a été qualifiée de « coloniale » par Viktor Orbán –, le gouvernement du Fidesz a réussi à faire sortir le pays de la récession et à réduire l’inflation en 2013 à 1,3%, le PIB ayant augmenté entre 2010 et 2013 d’une moyenne annuelle de 1%. Et alors que l’économie des pays de l’Union européenne stagnait (croissance zéro au deuxième semestre de 2014), c’est au grand étonnement de tous que la Hongrie parvenait à croître de 3,9%, son taux le plus élevé depuis 2006.
Ceci pour ce qui concerne les résultats économiques. Quant au risque de retomber dans le communisme, soyons sérieux ! Chat échaudé craint l’eau froide, comme on le sait bien. Or le pays, plus qu’échaudé, a été ébouillanté… deux fois, même, de surcroît. Car les brutalités du nazisme, la Hongrie les a connues aussi, même si leur durée a été bien plus courte (à l’occasion du 70e anniversaire de l’occupation nazie de 1944, un monument consacré à la mémoire des victimes vient cette année d’être inauguré justement dans le centre de Budapest).
Bref, il n’y a en Hongrie aucune sorte de nostalgie pour les deux grands épouvantails auxquels les tenants du libéralisme font sans cesse référence, partout, de façon compulsive, comme s’ils n’avaient pas de meilleur argument à faire valoir – et ils n’en ont pas, en effet. Ils peuvent continuer à pousser de hauts cris et à agiter à l’encontre de la Hongrie autant de fantômes dictatoriaux qu’ils voudront (Bruxelles a même brandi la menace d’une expulsion de l’Union européenne), ce qui est en jeu dans le pays magyar n’a rien à voir ni avec la momie nazie ni avec le fossile communiste. Ce qui est en jeu en Hongrie va bien au-delà des schémas, vieux, vides, usés jusqu’à la corde, de « droite » et de « gauche ».
La question nationale
Ecoutons de nouveau les naïfs ou les intéressés : « Bon, bon, mais que me dites-vous de ce nationalisme arrogant, asservissant, de cette chose poussiéreuse, d’un autre temps, que les Hongrois sont en train de déployer à l’encontre notamment des peuples voisins ? »
Ça y est ! Nous voilà face à l’éternelle confusion (en partie voulue). Elle consiste à amalgamer le patriotisme et le chauvinisme, à mettre dans le même sac la défense de la nation et l’arrogance asservissante, bornée, du nationalisme. C’est vrai, les deux se sont dans le passé trouvées confondues, pour notre malheur, plus d’une fois. Est-ce le cas aujourd’hui en Hongrie ?
On peut en douter. Voyons ce qui, avec des mots qui grincent d’ailleurs à l’oreille de l’homme apatride d’aujourd’hui, est proclamé par la Constitution de 2011 :
C’est pourquoi la Constitution hongroise proclame avec une pareille fermeté:
Qu’en est-il des autres « petites patries » ? Qu’en est-il des autres peuples et nationalités avec lesquels la Hongrie se trouve impliquée dans ce grand entrecroisement de peuples et de langues qu’est l’Europe centrale (cet enchevêtrement que l’Empire austro-hongrois tâcha de résoudre tant bien que mal : plutôt bien, d’ailleurs, bien mieux, certes, que les Etats dont le cloisonnement fut imposé par les puissances victorieuses en 1918, lorsque la première partie de notre guerre civile européenne prit fin).
Qu’en est-il, plus concrètement, de la Transylvanie ?
Composée de populations aussi bien hongroises que roumaines, elle avait fait partie de la Hongrie jusqu’en 1918. Depuis lors, elle fait partie de la Roumanie. Fidèle à son principe selon lequel « La Hongrie a le devoir de prendre en charge le destin des Hongrois vivant en dehors de ses frontières », le nouvel Etat magyar – c’est bien d’un nouvel Etat qu’il s’agit, non seulement d’un nouveau gouvernement – a octroyé aux habitants hongrois de la Transylvanie aussi bien la nationalité que le droit au vote, en même temps qu’il prenait différentes mesures vouées à promouvoir la langue et la culture hongroises : des mesures qui sont en elles-mêmes, il va sans dire, hautement conflictuelles, mais dont il n’a jusqu’à présent découlé aucun véritable conflit.
La question, d’une façon plus générale, est la suivante : ce profond patriotisme qui traverse la Hongrie a-t-il quelque chose à voir (ou non) avec le chauvinisme borné et insolent dont l’agressivité a dans le passé été à la source de tant de maux en Europe ? Cette renaissance de l’idée même de Nation a-t-elle quelque chose à voir (ou non) avec le fanatisme frustre et sectaire qui n’est capable d’affirmer son identité qu’à travers le rejet de l’Autre, comme on le sait si bien en Espagne, où un tel démon s’est emparé de certaines de ses régions ? A la lumière des données dont on dispose, tel ne semble pas être un mal affligeant le pays magyar.
La question religieuse
Il reste l’autre grande question : celle de la religion, celle de cet étrange pays qui, dans l’Europe d’aujourd’hui, a l’audace d’invoquer publiquement, officiellement, Dieu et la chrétienté. « Que Dieu bénisse les Hongrois ! », peut-on lire dans le frontispice de la Constitution (un endroit plus convenable, au demeurant, que les billets de banque d’un certain pays où on peut lire « In God we trust »). C’est ainsi que commence la Constitution qui proclame que la Hongrie est un Etat officiellement chrétien. Cohérent avec une telle proclamation, le gouvernement actuel, dont la devise est « Soli Deo Gloria », a pris plusieurs mesures destinées à promouvoir la culture chrétienne (quel que soit le jugement qu’on porte sur le christianisme, voilà qui est toujours préférable à la promotion de la culture nihiliste…), en même temps qu’il s’est consacré à la défense de la famille et au combat contre l’avortement.
Et pourtant, le divorce n’a pas été interdit, ni l’avortement pénalisé. Qui plus est, le nombre de divorces et d’avortements est toujours très élevé en Hongrie, pays qui occupe la troisième place dans le classement mondial de ruptures matrimoniales (65% des mariages contractés finissent par un divorce). En ce qui concerne les mesures prises pour lutter contre l’avortement (dont le chiffre double le taux, déjà très élevé, existant par exemple en Espagne), elles se limitent à l’information et à la propagande en faveur d’une croissance démographique jugée clé pour l’avenir du pays.
Pour tout dire, on a même l’impression que les raisons d’ordre démographique l’emportent largement, dans l’esprit des dirigeants hongrois, sur les motivations proprement religieuses.
Dans des propos qui d’ailleurs heurtent de front la position du Vatican, c’est ainsi que Viktor Orbán s’explique au sujet de la crise démographique subie par l’Europe… et de l’immigration de peuplement avec laquelle certains prétendent la résoudre.
Non pas la prétention à commander la vie et à réglementer la conduite des mortels. La prétention, par contre, à être le signe – et signe collectif, signe pour l’ensemble d’un peuple – du grand, du saisissant mystère par lequel le monde est. Un signe, un symbole qui, pour le peuple hongrois, prend particulièrement forme, par exemple, lors des célébrations annuelles du 20 août, jour de la Fête nationale, autour de la figure du roi saint Etienne, lorsque les autorités de l’Etat participent à la messe solennelle célébrée à la basilique de Budapest, tandis que les forces armées se joignent à la procession qui, portant la relique du fondateur de la patrie, parcourt solennellement, au milieu d’une foule aussi grande que fervente, les rues de la capitale.
Que Dieu bénisse les Hongrois !
Que Dieu et les anciens dieux des Européens nous bénissent tous !
3/12/2014
- Damien Sharkov, « Hungary’s Mussolini Vows to Make the EU Member an “Illiberal State” », Newsweek, 30.7.2014.
- Même lorsque, dans la vision libérale du monde, la Nation est affirmée avec force – aux Etats-Unis aujourd’hui, par exemple, ou en Europe hier –, ce n’est jamais comme un tout organique que la communauté nationale est conçue. Elle est envisagée comme une association dont les membres – « les citoyens » – se retrouvent dans une sorte de Grand Club régi par un fameux Contrat. Il en va de même pour le passé, pour la tradition. On peut, certes, dans la vision libérale du monde, s’intéresser au passé, porter sur lui le regard amusé (ou savant) qu’on accorde aux choses curieuses, pittoresques : un regard qui, du même coup, interdit que le passé soit ressenti comme le lien vivant qui nous relie à la source qui nous fait être. C’est dans ses Statuts eux-mêmes que la Nation-Club, cette association aussi atomisée que grégaire, porte inscrite la marque de la dissolution. Ce n’est donc pas étonnant qu’un tel Club ait fini par être dissous.
17 comentarii :
Hungary’s Viktor Orban: Washington’s New Enemy Image
http://riddickro.blogspot.ro/2014/11/hungarys-viktor-orban-washingtons-new.html
EXCEPŢIONAL ARTICOL !
Felicitări !
Mulţumesc !
Hungría: una gran revolución conservadora en marcha
http://www.elmanifiesto.com/articulos.asp?idarticulo=4928
De Javier Ruiz Portella. La spanioli "rezistă" şi numele de familie matern sau "secundar" (aici, Ruiz, omis la Polemia) ? :) Că dacă era nobil era cu "y" (de exemplu: Don Felipe Juan Pablo Alfonso de Todos los Santos de Borbón y de Grecia).
What's the deal with last names in Spain?
There are four basic rules to surname inheritance in Spain:
Everyone has two last names.
Your first last name is your father’s first last name.
Your second last name is your mother’s first last name.
Women do not change their last names when they get married.
http://erikras.com/2009/01/28/whats-the-deal-with-last-names-in-spain/
"Your second last name" - cam neclar, Ruiz e "primul", dar intră la "prenume", Portella fiind numele de familie "principal" (ne-omisibil).
Da , e cam neclar.
Şi la ruşi este o regulă similară legat de prenumele tatalui care devine un al doilea nume.
La ruşi "nu e-n acte", este doar o formulă de politeţe din partea cunoscuţilor (mai mult la bărbaţi, la femei apărând o ambiguitate din cauza genului numelui de familie: Natalia Ivanovna, dacă soţul se numea ****** Ivanov). De exemplu, dacă tatăl se numea Serghei: Igor Sergheevici (Golovkin).
Aha.. N-am ştiut că nu este în acte !
Doar numele de familie la femei (pe nevasta lui Putin o chema ******* Putina).
Trăieşte, dar sunt divorţaţi.
... pe-a lui Vaclav Klaus - Klausova (parcă). Tot slavi, şi cehii.
Interesant !
Livia Klausová née Mištinová (November 10, 1943 in Bratislava, Slovak Republic) is a Slovak-born Czech economist and was the First Lady of the Czech Republic. An alumna of the University of Economics, Prague, she married fellow economist Václav Klaus in 1968. The couple have two sons, Václav (b. 1969) and Jan (b. 1974), and five grandchildren. Her father was Stefan Mistina, who died in 1956.
http://en.wikipedia.org/wiki/Livia_Klausov%C3%A1
Cercetând arhivele cehe şi slovace, ziarul a constatat că Ştefan Mistina, tatăl Liviei Klausova, soţia preşedintelui, a apărut în 1940 la Bratislava, fiind conducătorul departamentului de cenzură a USB, Centrul Securităţii de Stat a Republicii Slovacia.
adevarul.ro/international/europa/socrul-fostului-presedintelui-ceh-vaclav-klaus-lucrat-servicile-secrete-fasciste-1_511b219f344a782118343fdf/index.html
It turned out that Mrs. Klaus' father, Stefan Mistina, during communist era a hard-line communist, was during the WW2 Slovak pupet state a high governmental official with the Slovak Secret Service, a partner organization to Nazis Gestapo. Mistina himself was in charge of some specific programs specifically targeting Slovak Jews. The records also show how he authorized and signed several reports on Jewish property to be confiscated as part of the "Final Solution of the Jewish Question."
http://www.economist.com/comment/1947370#comment-1947370
Mamăăaa !
Ce chestii găseşti pe internet când cauţi ,chiar din întâmplare !
Comentatorul vrea de fapt să dea în Klaus - mai zice acolo că şi Klaus e tot "din neam de nomenclaturişti". Dar cu tot ce avantaje o fi avut, a dat TARE în (Euro)Sistem după 1990. Numai Troţkimănenii au voie să provină din nomenclaturişti...
Da, Klaus i-a făcut treaba bine de tot şi-şi apară ţara , pe când Troţkimăneanu o trădează
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